Author: CLAUDEL Paul Title: Manuscrit original autographe signé : préface pour A la trace de Dieu de Jacques Rivière
Description: Château de Lutaines juin 1925, 21x27cm, 17 pages sur 5 doubles feuillets. ""Et combien cette émotion est accrue quand l'auteur de ce livre est notre ami, que nous avons conversé familièrement avec lui, et qu'il tient à la fois à nous par ce qui lui fut attribué de passager et de temporel, et à Dieu par ce qui en lui désormais d'éternel a commencé !"" Manuscrit original autographe de Paul Claudel, signé et daté, pour sa préface de A la trace de Dieu de Jacques Rivière. Dix-sept pages et demi à l'encre noire sur cinq doubles feuillets. Quelques mots biffés et réécritures. Pli horizontal, quelques rousseurs sur la première page, notes au crayon d'un bibliographe sur la dernière page vierge. La préface, datée de juin 1925 est parue une première fois dans le Correspondant le 25 septembre 1925, puis avec les Carnets de Rivière publiés la même année par sa femme sous le titre A la trace de Dieu (Gallimard, p. 9-24). >> texte complet de la préface Manuscrit complet de la belle préface de Paul Claudel pour la publication posthume des carnets tenus par Jacques Rivière lors de sa captivité pendant la Grande Guerre. L'écrivain rend hommage à travers ces pages à ce livre qui, si son auteur en avait eu le loisir et le temps - Rivière est mort à 39 ans - serait devenu un traité d'Apologétique Chrétienne. Dès 1907, Claudel avait joué un rôle important dans sa conversion et son parcours religieux. Il entretint une correspondance avec le jeune critique devenu directeur de la Nrf jusqu'à sa mort brutale en 1924. Dans le manuscrit, il fait l'introduction des écrits de Rivière datant de ses trois années dans les camps de prisonniers de Kœnigsbrück et Hülseberg, après sa capture lors de la bataille d'Eton en août 1914. On y trouve, sous forme de notes qu'il destinait aux réunions entre prisonniers, une réflexion profonde sur la recherche de Dieu et les moyens d'aller à sa rencontre. Mais pour Jacques Rivière ""Dieu reste un fait"" : après une longue quête théologique et de nombreux revirements, il avait atteint l'apogée de sa foi lors de ces années de guerre. La mort d'Alain-Fournier et de Péguy, la certitude religieuse de sa femme Isabelle, la sensation d'être soutenu par Dieu pendant ces jours difficiles, tout concourrait à lui donner une foi vivante que célèbre le poète dramaturge dans ces belles pages. Il reconnaît la présence dans sa vie d'un Dieu personnel, croit à la valeur de la prière et de l'autodiscipline auxquels Claudel l'avait exhorté dès leurs premiers échanges. Ces Carnets sont l'ultime preuve de l'influence de ce dernier : ""la fin de Rivière fut toute illuminée par la doctrine que lui avait révélée le grand poète chrétien"" (Paul Beaulieu). Claudel consacre de magnifiques passages à la communion de Rivière le jour de Noël 1913, qui marque publiquement son retour au catholicisme : ""Tout ce que je peux dire est que la vie de Jacques Rivière me paraît une de celles qui ne s'expliquent pas seulement par elles-mêmes, mais par l'enseignement bon ou mauvais qu'elles comportent, parce qu'elles sont le type en qui se réalisent et s'informent une foule d'autres, qu'elles ont une valeur de parabole. Elle est la meilleure illustration de cette Providence dont il n'a cessé de sentir la main sur lui, de cette Providence humble, douce, toujours présente et toujours inattendue, infiniment patiente, ingénieuse et artiste, dont il a si bien parlé. C'est elle qui a conduit cette âme de bonne volonté à travers le pèlerinage de l'Intelligence depuis la confusion de l'adolescence jusqu'à ce jour de Noël 1913 où par un acte à l'égard des théories les plus extravagantes, depuis Darwin jusqu'à Freud, qui se présentent à elles avec le caractère de la dernière mode à quoi la noble délibération du jugement avait plus de part que l'exigence du sentiment, il vints'agenouiller aux pieds du saint curé de Clichy"". La préface doublée d'un éloge funèbre est à l'image de leurs dialogues entre père et fils spirituels. Malgré leurs désaccords, Claudel admire la pensée de Rivière et sa vision objective des rapports de l'Eglise catholique et la société - sans la considérer comme la gardienne d'un conservatisme social, à l'inverse d'un Maurras ou d'un Barrès : ""Parmi les maquettes de Jacques Rivière, celle dont l'étude a été poussée le plus loin et qui se dégage le mieux dans son ensemble est l'étude qu'il a intitulée : Le Catholicisme et la Société. Il y développe des idées qui paraîtront subversives à beaucoup de gens, mais qu'il était plus nécessaire aujourd'hui que jamais d'exposer. D'opposer, dirons-nous, plutôt que de poser, non pas comme la vérité absolue, mais comme l'antithèse nécessaire d'une thèse par elle-même non moins déficiente qu'on voit avec regret prendre chez certains, publicistes la valeur d'un principe et d'un fait incontestables. Que de platitudes, que de tirades nauséabondes n'avons-nous pas dû absorber sur la valeur sociale du Christianisme, sur le secours qu'il apporte à l'ordre établi et à la sacro-sainte « tradition », sur l'apaisement qu'il fournit aux employeurs et aux propriétaires, sur son alliance naturelle avec les Autorités Constituées ! De quel ton incroyable de condescendance consent-on à lui faire sa place à côté d'Auguste Comte parmi les Cariatides qui sont appelées à soutenir le trône de la Déesse Nation ! Pour certains esprits l'ordre social n'est pas une cote mal taillée, un compromis précaire et médiocre dont les injustices ne sont que trop visibles, mais qui se justifie pratiquement en tant qu'il sert tout de même Dieu, par la paix telle quelle qu'il apporte au plus grand nombre et par les humbles facilités qu'il donne pour l'affaire, seule importante, du salut : la Conservation, le bien de celui qui a, est pour eux le principe premier, une chose si sûre et si belle que c'est à elle que la Religion emprunte le plus clair de sa vertu et de sa vérité."" Claudel se joint à Rivière sur la question de la Providence, trouvant des signes de l'attention divine dans tous les aspects de sa vie : ""L'homme est libre au milieu d'un monde qui ne l'est pas. Il a à concerter son propre mouvement avec une multitude de mouvements qui ne dépendent pas de lui. Il a sous ses pieds au milieu d'une multitude de compagnons un parquet en marche. Il collabore avec une Providence qui, à la manière d'une pente, entraîne les événements, qui règle le sens et le rythme de leur progrès, mais qui ne se passe pas pour la réalisation de ses desseins de son intervention de Volontaire et qui traite avec lui par un système délicat de refus et de provocations."" Les dix-sept pages de cette préface célèbrent surtout l'esprit pionnier de Rivière dans son rapport à la religion - Claudel fera même son portrait en héros vernien : ""Il n'est probablement pas un de mes lecteurs qui ne connaisse cet admirable roman de Jules Verne, L'Ile mystérieuse. Des naufragés sont jetés dans une île inconnue où ils se croient seuls et abandonnés à leurs propres ressources. Puis, à des moments critiques, des secours leur arrivent on ne sait d'où. C'est un feu qui se trouve allumé, une caisse remplie d'outils qui échoue sur la grève, une corde qu'on jette du haut d'un rocher, des ennemis exterminés. Aucun de ces événements qui ne puisse en somme s'expliquer d'une manière à peu près naturelle et les esprits les plus grossiers de la troupe se contentent de bénéficier de cette collaboration occulte sans se tracasser pour en rechercher l'auteur. Mais non pas l'ingénieur Cyrus Smith. On le voit dans une gravure émouvante, suspendu, une lanterne à la main, au bout d'une échelle de cordes au fond d'un puits, surveillant cette eau noire d'où à certains moments lui ont paru émaner des bruits et des mouvements suspects. (C'est par là en réalité que tous les soirs le capitaine Nemo, émergeant de son ermitage sous-marin, vient se payer le régal de la voix humaine). Puis les choses se gâtent et arrive le moment lamentable, redouté de tous les lecteurs de romans, de l'explication, si inférieure toujours à notre attente. L'attitude de Rivière est analogue à celle de Cyrus Smith."" Quatre mois après la disparition de Rivière, Claudel signe une magnifique ode à sa rencontre spirituelle et littéraire avec ""l'esprit en marche vers la vérité"" de son ami. - Château de Lutaines juin 1925, 21x27cm, 17 pages sur 5 doubles feuillets. [ENGLISH TRANSLATION FOLLOWS] | ""And how much this emotion is heightened when the author of this book is our friend, when we have conversed familiarly with him, and when he is close to us by what has been attributed to him as transient and temporal, and close to God by what in him henceforth as eternal has begun!"" | Original autograph signed and dated manuscript by Paul Claudel, for his preface to Jacques Rivière's 'A la trace de Dieu'. Seventeen and a half pages in black ink on five double leaves. A few words crossed out and rewritten. Horizontal fold, some foxing to the first page, pencil notes by a bibliographer on the last blank page. The preface, dated June 1925, first appeared in Le Correspondant on September 25, 1925, then with Rivière's Carnets published the same year by his wife under the title 'A la trace de Dieu' (Gallimard, pp. 9-24). >> full text of the preface Complete manuscript of Paul Claudel's moving preface to the notebooks kept by Jacques Rivière during his captivity in WW1. The writer pays homage to a book which would have become a treatise on Christian Apologetics - had its author not met an untimely death at the age of 39. As early as 1907, Claudel had played an important role in his conversion and religious journey. He kept up a correspondence with the young critic, now director of Gallimard's prestigious Nrf, until his sudden death in 1924. In the manuscript, he introduces Rivière's writings from his three years in the Kœnigsbrück and Hülseberg prison camps, after his capture during the Battle of Eton in August 1914. In the form of notes he intended for prisoner reunions, it contains a profound reflection on the search for God and the means to encounter Him. Although fo or Jacques Rivière, ""God remains a fact"": after a long theological quest and many reversals, he had reached the pinnacle of his faith during the war years. The deaths of his friends and writers Alain-Fournier and Péguy, piety of his wife Isabelle and feeling of being supported by God during those difficult days, all contributed to giving him a living faith which the poet-playwright Claudel celebrates in these beautiful pages. Rivière recognized the presence of a personal God in his life, and believed in the value of prayer and self-discipline, to which Claudel had urged him from their earliest exchanges. These Carnets are the ultimate proof of Claudel's influence: ""Rivière's end was completely illuminated by the doctrine revealed to him by the great Christian poet"" (Paul Beaulieu). Claudel devotes magnificent passages to Rivière's communion on Christmas Day 1913, which publicly marked his return to Catholicism: ""All I can say is that Jacques Rivière's life seems to me to be one of those that cannot be explained solely by itself, but by the good or bad teaching it contains, because it is the type in which a host of others are realized and informed, that it has the value of a parable. It is the best illustration of that Providence whose hand he never ceased to feel upon him, that humble, gentle Providence, always present and always unexpected, infinitely patient, ingenious and artistic, of which he spoke so well. It was this Providence that led this good soul through the pilgrimage of Intelligence from the confusion of adolescence to that Christmas day in 1913, when, in an act of deference to the most extravagant theories, from Darwin to Freud, which presented themselves to them with the character of the latest fashion in which the noble deliberation of judgment had more share than the exigency of feeling, he came to kneel at the feet of the holy priest of Clichy"". The preface doubling as a eulogy reflects the dialogue between father and spiritual son. Despite their disagreements, Claudel admired Rivière's thinking and his objective vision of the Catholic Church in relation to secular society - without seeing it as the guardian of social conservatism, like far-right writers like Maurras or Barrès: ""Among Jacques Rivière's models, the one that has been studied the furthest, and which stands out the best as a whole, is the study he has entitled: Le Catholicisme et la Société (Catholicism and Society). He develops ideas that will seem subversive to many, but which it was more necessary today than ever to set out. To oppose, we might say, rather than to posit, not as the absolute truth, but as the necessary antithesis of a thesis no less deficient in itself, which we see with regret taking on the value of an indisputable principle and fact among certain publicists. What platitudes, what nauseating tirades have we had to absorb on the social value of Christianity, on the help it brings to the established order and to sacrosanct ""tradition"", on the appeasement it provides to employers and landlords, on its natural alliance with the Constituted Authorities! How unbelievably condescending it is to be allowed to take its place alongside Auguste Comte among the Caryatids who are called upon to support the throne of the Goddess Nation! For some spirits, social order is not an ill-cut slope, a precarious and mediocre compromise whose injustices are all too visible, but one that is practically justified insofar as it serves God all the same, by the peace as it is that it brings to the greatest number, and by the humble facilities it provides for the all-important matter of salvation: Conservation, the good of he who has, is for them the first principle, a thing so sure and so beautiful that it is from it that Religion borrows most of its virtue and truth. "" Claudel joins Rivière on the question of Divine Providence, finding signs in every aspect of his life: ""Man is free in the midst of a world that is not. He has to coordinate his own movement with a multitude of movements that do not depend on him. He has under his feet, amidst a multitude of companions, a moving floor. He collaborates with a Providence which, in the manner of a slope, drives events, which regulates the direction and rhythm of their progress, but which does not dispense with his intervention as a Volunteer for the realization of his designs, and which deals with him through a delicate system of refusals and provocations."" The seventeen pages of this preface celebrate Rivière's pioneering spirit in his relationship with religion - Claudel even portraying him as a hero from a Jules Verne adventure novel: ""There is probably not one of my readers who does not know that admirable novel by Jules Verne, L'Ile mystérieuse. Castaways are thrown onto an unknown island, where they believe they are alone and abandoned to their own resources. Then, at critical moments, help arrives from who knows where. A fire is lit, a crate full of tools washes ashore, a rope is thrown from a rock, enemies are exterminated. None of these events can be explained in a more or less natural way, and the coarsest minds in the company are content to benefit from this occult collaboration without bothering to look for the author. But not the engineer Cyrus Smith. We see him in a moving engraving, suspended, lantern in hand, at the end of a rope ladder at the bottom of a well, surveying this black water from which at certain moments seemed to him to emanate suspicious noises and movements. (In fact, this is where every evening Captain Nemo, emerging from his underwater hermitage, comes to indulge in the human voice). Then things go wrong, and the lamentable moment arrives, dreaded by all readers of novels, of the explanation, which is always so inferior to our expectations. Rivière's attitude is analogous to that of Cyrus Smith"" Four months after Rivière's death, Claudel writes here a magnificent ode to his spiritual and literary encounter with Rivière, a ""spirit on the march towards truth"".
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Price: EUR 5000.00 = appr. US$ 5434.23 Seller: Librairie Le Feu Follet
- Book number: 87317
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