Author: PROUST Marcel Title: Lettre autographe signée adressée à Mme Catusse
Description: s.l. s.d. (ca 1907), 12,6x20,4cm, 3 pages sur un double feuillet. | « Le jour de l'an n'est qu'une occasion pour moi - comme s'il était besoin d'occasions ! - de me souvenir et de pleurer » |
* Lettre autographe signée de Marcel Proust, probablement adressée à Madame Catusse. La destinataire ainsi que la date de la missive ont été déterminées par Jean-Yves Tadié. Trois pages rédigées à l'encre noire sur un bifeuillet de papier blanc bordé de noir. Une pliure transversale inhérente à l'envoi. Sombre et admirable missive empreinte de mélancolie proustienne, alors que le futur auteur de la Recherche ressent plus que jamais les affres du deuil de sa mère dont le souvenir est ravivé au passage de la nouvelle année. L'écrivain à la générosité légendaire charge également sa fidèle confidente, Madame Catusse d'acheter un cadeau au couple Straus, dont l'épouse a inspiré le personnage de la Comtesse de Guermantes. La fin 1907, date présumée de cette lettre faisant allusion au Nouvel An approchant, marque le deuxième réveillon passé sans Madame Proust, décédée deux ans auparavant : « Le jour de l'an n'est qu'une occasion pour moi — comme s'il était besoin d'occasions ! — de me souvenir et de pleurer ». Ce sentiment a été évoqué l'année précédente dans une lettre à Anna de Noailles (« le jour de l'an a eu sur moi une puissance d'évocation terrible. Il m'a tout d'un coup rendu les mémoires de Maman que j'avais perdues, la mémoire de sa voix », février 1906). Ce moment fatidique agira sur Proust comme une pernicieuse madeleine, à la fois réminiscence sensorielle et conscience aiguë du manque de l'être aimé. Il débutera bientôt l'écriture de la Recherche afin de conjurer par les mots cette figure maternelle dont l'absence demeurera insoutenable. Pour l'heure, Proust est en prise à ses éternelles crises d'asthme « provoquées ou exaspérées par ces brouillards terribles » qui le forcent à la réclusion et même au silence : « le téléphonage m'est très périlleux. Et je suis aussi très fatigué pour écrire ». Il s'attelle à l'écriture d'une série de Pastiches pour le Figaro « qui n'étaient, en réalité, qu'un avant-dernier détour avant l'écriture de la Recherche » (George D. Painter). L'un de ces Pastiches portait sur l'escroquerie subie par le président de la maison De Beers, dont Proust possédait des actions. S'imaginant déjà ruiné, il mentionne ses revers de fortune en lettres capitales « VOUS AI-JE RACONTE PAR TÉLÉPHONE MES DÉSASTRES FINANCIERS ? ... » Amie de la mère de Proust, la destinataire Mme Catusse est un soutien précieux pour l'écrivain. La prolifique correspondance de Proust avec celle que Ghislain de Diesbach surnomme sa « Notre-Dame-des-Corvées » représente une ressource inépuisable de connaissances sur sa vie secrète, ses peurs et ses tergiversations. Proust l'appela affolé lors d'une crise d'aphasie dont fut victime sa mère peu avant sa disparition. Alors que son isolement se fait toujours plus grand après son installation au 102 boulevard Haussmann l'année précédente, Proust sollicite l'aide de celle-ci dans de nombreuses affaires, notamment l'achat de fameux cadeaux : « J'aurais voulu vous demander si vous n'avez par hasard rien vu pouvant convenir aux Straus, quoique cela me déplaît toujours de coïncider avec le jour de l'an ». Ce sentiment inspirera un passage de La Prisonnière fustigeant ces mêmes « cadeaux du premier janvier » offerts à Madame Verdurin : « objets singuliers et superflus qui ont l'air de sortir de la boîte où ils ont été offerts et qui restent toute la vie ce qu'ils ont été d'abord [...] ». Connu pour ses frénétiques démonstrations de prodigalité, Proust surmonte ici son aversion pour ces cadeaux de circonstance. Le moindre service rendu à l'écrivain donnait en effet lieu à d'extravagantes dépenses auxquelles les époux Straus n'échappent pas. Avocat de son état, Emile Straus avait sans doute assisté l'écrivain dans ses affaires de succession : « je sens que les services répétés que m'a rendus M. straus ne peuvent rester sans remerciements, puisque je crois qu'il n'accepterait pas d'honoraires. Si vous aviez vu par hasard quelque chose de très joli, dans quelque genre que ce soit, ou quelque époque que ce soit, entre 100 fr. et 300 fr., je le prendrais avec plaisir. » Un précieux exemple de la générosité « si étrange et agressive » d'un Proust éternellement endeuillé et meurtri, faisant dans cette lettre une parfaite démonstration du lien entre amitié et argent, qui deviendra un thème récurrent de la Recherche. - s.l. s.d. (ca 1907), 12,6x20,4cm, 3 pages sur un double feuillet. [ENGLISH TRANSLATION FOLLOWS] Proust mourning his beloved mother: ""New Year's Day is just an occasion for me -- as if occasions were needed! -- to reminisce and weep"" [ca 1907] | 12,6 x 20,4 cm | 3 pages on a double leaf Autograph letter signed to Madame Catusse, 12,6x20,4cm, 3 pages on a double leaf edged in black. A fold inherent to the mailing. Autograph letter signed by Marcel Proust, probably addressed to Madame Catusse. The recipient and date have been determined by Proust scholar Jean-Yves Tadié. A sombre and admirable letter steeped in Proustian melancholy. The future author of In Search of Lost Time feels more than ever the loss of his mother during the New Year period. The famously generous Proust also asks his faithful confidante Madame Catusse to buy a gift for the Straus couple, whose wife inspired the character of the Comtesse de Guermantes. The end of 1907, apparent date of this letter alluding to the approaching New Year, marks the second holiday season spent without Madame Proust, who had died two years earlier: ""New Year's Day is only an occasion for me - as if occasions were needed! -- to reminisce and weep"". Proust had also expressed this sentiment in a letter to Anna de Noailles the year before (""New Year's Day had a terrible evocative power over me. It suddenly gave me back the memories of Maman that I had lost, the memory of her voice"", February 1906). This fateful moment acted on Proust like a pernicious madeleine, at once a sensory reminiscence and an acute awareness of his loss. He would soon begin writing In Search of Lost Time to conjure up this mother figure whose absence would remain unbearable. For the time being, Proust is busy writing a series of Pastiches for Le Figaro, ""which were, in reality, only a penultimate detour before writing La Recherche"" (George D. Painter). One of these Pastiches dealt with the swindle perpetrated on the president of De Beers in which Proust had invested. Imagining himself already ruined, he mentions these unfortunate circumstances in capital letters: ""HAVE I REPORTED MY FINANCIAL DESASTERS TO YOU OVER THE TELEPHONE?"" Overwhelmed by ailments, he is also plagued by one of his many asthma attacks ""provoked or exasperated by these terrible fogs"", forcing him into reclusion and even silence: ""telephoning is very dangerous for me. And I'm also very tired when it comes to writing"". The recipient Mme Catusse was a friend of Proust's mother and became an invaluable support to the writer. Proust's prolific correspondence with the woman Ghislain de Diesbach had dubbed the writer's Notre-Dame-des-Corvées represents an inexhaustible resource of insights into his secret life and fears. Proust had called her in a panic during an aphasia attack suffered by his mother shortly before her death. As he became increasingly isolated after moving into 102 boulevard Haussmann the previous year, Proust sought her help in many matters, including the purchase of numerous gifts: ""I would have liked to ask you if you had by any chance seen anything suitable for the Straus, although I always dislike coinciding with New Year's Day"". This sentiment would inspire a passage in The Captive castigating those same ""New Year's Day presents"" given to Madame Verdurin: ""those singular and superfluous objects which still appear to have been just taken from the box in which they were offered and remain for ever what they were at first"" (The Captive, C. K. Scott Moncrieff's Translation Edited and Annotated by William C. Carter, Yale University Press, 2023, p. 308). Known for his frenzied displays of prodigality, Proust overcomes his aversion to these occasional gifts. The smallest favor to the writer gave rise to extravagant expenses. Lawyer Emile Straus had probably helped the writer sort out his inheritance affairs: ""I FEEL THAT THE NUMEROUS SERVICES PROVIDED TO ME BY MR. STRAUS CANNOT REMAIN WITHOUT THANKS, since I believe he would not accept a fee. If you happened to have seen something very pretty, in any genre, or any period, between 100 and 300 fr. I would gladly take it."" A precious demonstration of the ""ever so strange and aggressive"" Proustian generosity, making this letter a perfect demonstration of the link between friendship and money which would become a recurring theme throughout In Search of Lost Time.
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Price: EUR 6800.00 = appr. US$ 7390.56 Seller: Librairie Le Feu Follet
- Book number: 83638
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