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Title: Akademos, Revue mensuelle d'art libre et de critique Collection complète des douze numéros en tirage de tête
Description: Albert Messein, Paris 15 janvier 1909-15 décembre 1909, 22x25cm, 12 livraisons reliées en quatre volumes. | « Akademos restera donc une création éphémère, geste précurseur qui marquera l'histoire du mouvement homosexuel et le début du xxe siècle. » |
* Édition originale complète des 12 livraisons de cette luxueuse et éphémère revue fondée et dirigée par Jacques d'Adelswärd-Fersen, un des rarissimes exemplaires sur japon, seuls grands papiers, com­portant quatre états des gravures en couleurs. Reliures en demi-percaline sable, pièces de titre en maroquin brun, plats de papier marbré, dos et couvertures conservés pour chaque numéro, bel exemplaire à toutes marges. Notre exemplaire comporte bien les quatre états en couleurs réservés aux exemplaires de luxe, tirés sur divers papiers, de chacune des 23 héliogravures d'esthétique Arts & Crafts, symboliste, Renaissance, Art Nouveau et antique, d'après Maxwell Armfield, Henri Saulnier Ciolko­wski, Léonard Sarluis, Bernardino Luini, Giovanni Antonio Bazzi, Gustave Moreau, Raphaël, Léonard de Vinci, Pollaiolo, le Corrège, Piero de la Francesca, Rubens, Jose de Ribera, Francisco Goya, Mederhau­sem Rodo, Cardet, et des statues et stèles du musée de Naples et d'Athènes. L'élégante maquette de couverture est signée George Auriol, maître de la typographie Art Nouveau. Contributions de Laurent Tailhade, Émile Verhaeren, Renée Vivien, Colette Willy, Joséphin Peladan, Jean Moréas, Henri Barbusse, Arthur Symons, Jacques d'Adelswärd-Fersen, J. Antoine-Orliac, Paterne Berri­chon, Jules Bois, Jean Bouscatel, Tristan Derème, Léon Deubel, André du Fresnois, Maurice Gaucher, René Ghil, Henri Guilbeaux, J.-C. Holl, Tristan Klingsor, Ernest La Jeunesse, Gabriel de Lautrec, Abel Léger, Legrand-Chabrier, Louis Mandin, Filippo Tommaso Marinetti, Francis de Miomandre, John-Antoine Nau, Maurice de Noisay, Julien Ochsé, Ed­mond Pilon, Ernest Raynaud, André Salmon, Valentine de Saint-Point, Robert Scheffer, Tancrède de Visan... Très bel exemplaire sur japon, d'une extrême rareté, de la première revue homosexuelle française. Ce n'est qu'en 1869 qu'apparaît le terme « homosexuel », dans les échanges épistolaires entre les journa­listes et juristes allemands Karl Heinrich Ulrichs et Karl-Maria Kertbeny. Leurs écrits attestent des premières tentatives de décrire l'attraction physique envers le même sexe, non pour condamner l'acte, mais pour faire accepter une autre forme de sexualité aux yeux de la société. En effet, si les relations homosexuelles sont un élément constitutif des sociétés humaines depuis l'origine, elles ont long­temps été abordées sous l'angle unique de la relation charnelle. Stigmatisé, l'acte sexuel inverti est tour à tour codifié, to­léré ou sévèrement condamné à travers les époques et les cultures, mais jamais interprété sous l'angle d'une attirance exclusive. Ainsi, la France, premier pays à dépénaliser l'homosexualité, supprime en 1791 le « crime de sodomie » dans le Code pénal, mais il faudra attendre la seconde partie du XIXe siècle pour qu'émerge la conscience d'une véritable identité homo­sexuelle comme le décrit Michel Foucault dans son Histoire de la sexualité : « L'homosexuel du XIXe siècle est devenu un personnage : un passé, une histoire et une enfance, un caractère, une forme de vie ; une morphologie aussi, avec une anatomie indiscrète et peut-être une phy­siologie mystérieuse. Rien de ce qu'il est au total n'échappe à sa sexualité. Partout en lui, elle est présente [...] Elle lui est consubstantielle, moins comme un péché d'habitude que comme une nature singu­lière. Il ne faut pas oublier que la catégorie psychologique, psychiatrique, médicale de l'homosexualité s'est constituée du jour où on l'a caractérisée [...] moins par un type de relations sexuelles que par une certaine qualité de la sensibilité sexuelle, une certaine manière d'intervertir en soi-même le masculin et le féminin. L'ho­mosexualité est apparue comme une des figures de la sexualité lorsqu'elle a été rabattue de la pratique de la sodomie sur une sorte d'androgynie intérieure, un hermaphrodisme de l'âme. Le sodomite était un relaps, l'homosexuel est mainte­nant une espèce. » LES PRÉCURSEURS C'est dans ce contexte que naissent, sous la plume de Balzac, des personnages as­sumant pleinement leur autre sexualité, notamment Zambinella, Seraphita et sur­tout Vautrin, considéré comme le premier homosexuel de la littérature française. Ce­pendant que Baudelaire qui voulait initia­lement titrer ses Fleurs du Mal : « les Les­biennes » est condamné pour ses poèmes, Lesbos et Femmes damnées, célébrant les amours féminines. Car en sortant de la marginalité et en obtenant une forme de reconnaissance, les hommes et femmes homosexuels se trouvent confrontés aux regards critiques et aux stigmatisations caricaturales. Quelques écrivains, tels que Georges Eekhoud ou Renée Vivien, proclament littérairement leur homosexualité. D'autres, comme Oscar Wilde, l'assu­ment publiquement, mais ne laissent que discrètement transparaître leur orien­tation dans leur œuvre. Plusieurs conti­nuent à taire leurs véritables appétences, pour s'assurer respectabilité et recon­naissance littéraire. Parmi eux, Proust et Montesquiou deviennent alors la cible de la plume assassine et fière de Jean Lorrain, « en-philanthrope » proclamé : « Mort, Yturri te salue, tante » écrit-il à Montes­quiou, par voie de presse, à la mort de son amant, Gabriel Yturri. De pareilles - et véridiques - insinuations sur Lucien Daudet vaudront à Lorrain un célèbre duel avec Marcel Proust. CHASSE AUX SORCIÈRES D'Adelswärd-Fersen, né en 1880, grandit au cœur de cette révolution des mœurs et vit les terribles conflits intérieurs entre désir per­sonnel et morale institutionnelle, entre repré­sentation sociale et liberté intime. Si la France représente un espace de liberté bien supérieur à ses voisines, le jugement de la société reste profondément hétéronormé. Le fameux paragraphe 175 du nouveau Code pénal allemand condamnant en 1871 les « actes sexuels contre nature » dans tout l'Empire ou la condamnation d'Oscar Wilde aux travaux for­cés en 1895, soulèvent l'indignation des homo­sexuels déclarés et l'inquiétude silencieuse des autres. Le monde littéraire n'est pas épargné. En 1900, G. Eekhoud est poursuivi pour Es­cal-Vigor, premier roman à parler ouvertement et positivement d'amours masculines. En 1902 Friedrich Alfred Krupp se suicide à la suite du scandale de présumées « orgies sexuelles » de Capri. L'année suivante, d'Adelswärd-Fersen, tout juste majeur, est accusé à son tour de pra­tiquer des « messes noires » avec de jeunes ado­lescents et la participation de l'aristocratie. De la chasse aux sorcières médiévale aux théories complotistes modernes, l'accusation de rite satanique est un to­pos des constructions fantasmatiques des sociétés confrontées aux différentes expressions de l'altérité. Fersen avait d'ailleurs offert à ses juges le modèle litté­raire de leur accusation. C'est en effet par la publication en 1902, de L'Hymnaire d'Adonis : à la façon de M. le marquis de Sade, qu'il attire l'attention du Parquet. Et s'il n'écope que de six mois de prison, pour des faits qui seraient aujourd'hui bien plus sévèrement jugés, c'est qu'on lui reproche plus l'expression publique et littéraire de sa sexualité que ses malsaines mises en scène érotiques d'adolescents en te­nues antiques. Profondément affecté par le déchaînement mé­diatique et le violent rejet de l'homosexualité dont il témoigne, Fersen publie en 1905 : Messes noires. Lord Lyllian, roman à clefs s'inspirant de son histoire et mettant en scène les sommités homosexuelles de la fin du XIXe siècle : Oscar Wilde, Lord Alfred Douglas, John Gray, Jean Lorrain, Joséphin Peladan, Achille Essebac, Robert de Montesquiou, Friedrich Krupp et Fersen lui-même. L'intention du jeune poète de 25 ans n'est plus seulement artistique, elle est devenue politique. D'Adelswärd-Fersen devient ainsi l'un des précurseurs du combat pour la reconnaissance et l'ac­ceptation de l'homosexualité dans la so­ciété moderne. C'est ainsi que naît le projet d'Akademos. S'il s'inspire ostensiblement de la revue allemande d'Adolf Brand, Der Eigene, Fersen est bien plus ambitieux et souhaite entraîner avec sa revue, une mutation des mentalités. Aussi s'intéresse-t-il à des fi­gures plus engagées comme le scientifique allemand Magnus Hirschfeld, qui crée en 1897 avec l'écrivain Franz Joseph von Bülow, le Comité scientifique humani­taire (« Wissenschaftlich humanitäre Ko­mitee », WhK), première organisation de défense des droits des homosexuels. À la fin de l'année 1907, de la Villa Ly­sis à Capri, Fersen écrit ainsi à Georges Eekhoud : « La permission fort aimable que vous m'avez donnée d'écrire à Hirschfeld sous votre égide sera mise à profit. Je ne connaissais après mes passages en Alle­magne que Brand et son Eigene. D'autre part, j'attendais, afin de correspondre avec les chefs allemands du parti, la réalisation d'un projet à moi, que j'ose vous confier : je voudrais, n'ayant d'ailleurs comme titre suffisant que l'orgueil de nos idées et une ardeur indicible à les savoir moins méconnues, fon­der à Paris, en février prochain, une revue d'art, de philosophie, de lit­térature, dans laquelle petit à petit pour ne pas faire d'avance un scan­dale, on réhabilite l'autre Amour. J'espère, cher monsieur Eekhoud, que vous nous ferez l'honneur, un jour, de votre compagnie et de ce talent, univer­sel aujourd'hui, qui vous range parmi les apôtres du « mouvement ». Dans tous les cas, je vous remercie pour la sympathie si délicatement exprimée, pour les espoirs que nous partageons, pour les bonheurs décrits, que tous les deux, nous avons, en marge des autres, savourés. » DER EIGENE : L'ANTI-MODÈLE Si Der Eigene, publiée dès 1896, est la première revue homosexuelle eu­ropéenne et le modèle proclamé d'Akademos, elle ne poursuit pas les mêmes buts, et ne se construit pas sur le même modèle artistique et politique. Présentée comme une source de docu­mentation des activités de nudisme et de l'histoire de l'art, la revue de l'activiste Adolf Brand ne prône pas un boulever­sement social, mais une réinterprétation historique des relations hommes/femmes. Se proclamant d'un nouvel hellénisme, il s'appuie sur les usages de la pédérastie antique grecque pour réunir une commu­nauté d'esprit viriliste, et tente de démontrer, au fil des contributions, la supé­riorité esthétique et éro­tique du corps masculin dans l'histoire de l'art et des mœurs. « Didier Eribon sou­ligne de quelle manière les thèses masculinistes de Brand relèvent d'une conception universaliste de la sexualité [...], mais aussi d'une vision misogyne peu encline au changement social. L'étude du masculinisme homosexuel renvoie aussi à la construction d'une image de l'homme pensée comme outil de domination sociale envers les minorités de genre, de classe et de race. [...] la domination masculine se traduit [...] par l'exaltation des vertus morales et physiques de l'homme-ma­chine ». Paradoxalement, la première revue homosexuelle épouse les codes de l'idéologie émergente. Dès 1903, « Brand quitte l'organisation du WhK d'Hirschfeld et fonde la Communauté des spéciaux (« Gemeinschaft der Eigenen », GdE). In­fluencé par le contexte de la Lebensreform, il exalte la virilité adolescente et la maî­trise de soi dans la nature. Il organise des camps collectifs, des marches sportives et des séances de nudisme, en accord avec les pratiques des Wandervogel, ces regroupe­ments d'adolescents qui alimenteront les rangs des jeunesses hitlériennes à la fin des années 1920. » (Damien Delille, Homoé­rotisme et culture visuelle dans les revues Der Eigene et Akademos) AUTRE AMOUR, AUTRE CULTURE Akademos procède d'une tout autre philosophie. Pour Fersen il est moins question d'exalter la virilité issue de l'Antiquité que d'explo­rer une vision littéraire de l'homo­sexualité héritée du symbolisme décadentiste. La ligne éditoriale de la revue est parfaitement exprimée dans une nouvelle lettre à Eekhoud. « Villa Lysis, 4 août 1908 « Cher Monsieur Eekhoud, « En décembre ou en janvier dernier, je crois, nous avons parlé d'un projet de re­vue que nous voulions fonder des amis et moi avec l'aide de l'éditeur Messein. Il s'agissait - sans donner de prime abord à la publication un parti pris, une étiquette, une allure de combat - d'arriver à mettre en lumière la question de la liberté passion­nelle - les différentes théories sensuelles. Il s'agissait en quelques mots de dé­fendre l'Autre Amour, par le souve­nir des temps passés, par les espoirs des temps présents. Akademos est main­tenant une chose décidée. Revue mensuelle (que nous espérons plus tard faire paraître tous les quinze jours) elle comprendra dans chaque numéro un roman (à suivre), deux ou trois nouvelles, deux poèmes, deux pages de musique, un courrier de Paris, cri­tique des livres, critique des théâtres, une critique d'art [et] une lettre de l'étranger. De temps à autre un article de philosophie, de médecine, de jurisprudence. Akademos enfin, contiendra outre la couverture, deux hors texte, reproduction d'une œuvre an­tique ou moderne (sculpture, architecture, peinture ou paysage). » Akademos s'affirme dès l'origine comme une revue humaniste et un espace de tolérance, à travers le­quel la figure de l'homosexuel(le), sa sensibilité spécifique, son art de vivre et l'expression artistique de sa différence puisse s'inscrire dans une quête de modernité esthétique et littéraire. ADAM L'ANDROGYNE Si Fersen et ses contributeurs cherchent dans l'art antique une lé­gitimité historique, c'est plus pour en extraire une source d'inspiration et offrir une ascendance esthétique à la nouvelle figure artistique que promeut Akademos : l'Androgyne. À l'opposé de la polarité sexuelle défen­due par Eigene, la figure de l'androgyne se pose comme une réconciliation entre les genres et une défense de l'indétermina­tion sexuelle. Au-delà de la représentation mêlant fé­minin et masculin, l'androgyne acquiert dans la revue de Fersen une dimension nouvelle, politique et avant-gardiste. C'est ainsi dans Akademos que l'on trouve, sous la plume de Joséphin Peladan, la première remise en question de l'identité de genre, et les prémices d'une théorie du non-binaire. « L'Amour n'est donc plus pour le lecteur ""un sentiment d'affection d'un sexe pour l'autre"", mais le sentiment d'affection de l'être humain pour lui-même, qui se ma­nifeste communément, mais non essen­tiellement, selon la polarisation sexuelle. Sans doute pour la correspondance des formes, l'amour peut se nommer l'at­traction d'un sexe pour l'autre. Mais l'âme, quelle part a-t-elle dans la division sexuelle ? Nous avons aperçu Elohim, pre­nant un côté d'Adam, par une section ver­ticale [...] Adam androgyne avait donc une âme et un esprit androgyne : et la femme serait la moitié animique et la moitié spiri­tuelle de l'homme, comme elle est sa moi­tié physique ? Les théologiens, en concile, se sont posé cette question. En isolant Aïscha de Aisch, Iohah lui a-t-il donné une âme personnelle, ou a-t-il dédoublé l'âme, comme il a fait pour le corps ? Ce dédoublement a-t-il été radical, isolant le passif de l'actif ? Ou bien l'âme a-t-elle conservé son androgynisme ? En ce cas l'esprit seul attesterait le sexe intérieur. » (Joséphin Peladan, « Théorie amoureuse de l'androgyne. De l'amour », Akademos, n° 6, juin 1909) UNE ACADÉMIE SANS EXCLUS Là où Brand prônait la guerre des sexes, Fersen célèbre leur consubs­tantialité. Refusant tout clivage, il ouvre, dès le premier numéro, sa revue aux écri­vaines lesbiennes et libérées, dont Co­lette, Renée Vivien et Annie de Pène, mais également aux écrivains de toutes sensi­bilités. Des auteurs aussi disparates que Maxime Gorki, André Salmon, Marinetti, J.-H. Rosny aîné, Arthur Symons, Henri Barbusse et Léon Tolstoï côtoient les écri­vains explicitement engagés dans la cause homosexuelle. Comme l'écrit Nicole G. Albert : « Certes Fersen s'adresse aux membres de « l'Autre Amour » et conçoit Akademos comme un lieu de ralliement, voire de résistance, mais il ne veut pas les cantonner à la marginalité et vise, de fa­çon utopique, à créer une académie sans exclus, c'est-à-dire à attirer un lectorat beaucoup plus large afin de dédiaboliser, faute de la banaliser, l'homosexua­lité. » (Albert, Nicole G. « Réédition d'Akademos : la renaissance d'une revue pionnière », La Revue des revues, vol. 68, no. 2, 2022) ICONOGRAPHIE D'UNE SUBCULTURE L'iconographie de la revue joue ici un rôle fondamental. Affranchie de toute fonction illustrative, elle développe sa propre identité et définit les nouveaux codes de l'ho­moérotisme créant des images qui « alimente[nt] la création d'une subculture homosexuelle, à même de soutenir le partage des sensibi­lités et d'imaginer des alternatives aux normes sociales de genre. » Le soin apporté à la réalisation de ces gra­vures à pleines pages, sur un papier spécial et tirées en quadruple état dans les exem­plaires de luxe, témoigne de la particulière attention portée par Fersen à cette autre expression de la sensibilité homosexuelle. De futures icônes de la culture gay sont ainsi, pour la première fois, présentées dans une optique homoérotique, comme l'An­tinoüs Farnèse, le Saint Sébastien de Ribera ou Le Jeune Violoniste de Raphaël. Mais c'est dans les œuvres modernes que la nouvelle imagerie homosexuelle prend véritablement forme : le poignet cassé et les costumes dandy du caricaturiste Moya­no, la gestuelle du fascinant androgyne de Léonard Sarluis intitulé Inquiétude, dont l'œuvre originale n'a pas été retrouvée, le Iacchos de Maxwell Armfield et surtout les compositions d'Henri Saulnier Ciolk­owski dont « le style ou le pinceau effilé aux doigts - les soies furent sûrement ar­rachées à la perruque d'une irréprochable poupée d'Asie - attaque, ô consciencieux, la tablette blanche. » (André Thévenin, « Un adepte du noir et blanc : Ciolko­wski », Akademos, n°9). « L'homoérotisme devient un moyen de contourner l'interdit sexuel et de le sublimer par l'art » (Damien Delille) Parallèlement, et en réaction directe à la revue de Fersen, prend forme dans les médias réaction­naires, une imagerie violente, caricature de celle d'Akademos. C'est notamment en février 1909 qu'apparaissent dans un nu­méro spécial de la revue de L'Assiette au beurre intitulé « Les p'tits jeun' hommes » et portant en couverture une caricature de Fersen, plusieurs des stéréotypes vi­suels scellant la rhétorique naissante de l'homophobie. LE SUICIDÉ DE LA COMMUNAUTÉ La plus signifiante et émouvante de ces gravures est cependant une simple pho­tographie qui illustre le premier numé­ro d'Akademos. Il s'agit du portrait de Raymond Laurent, jeune poète et amant de Longhorn Whistler, neveu présumé d'Oscar Wilde, qui s'est donné la mort le 24 septembre 1908 à Venise. Plus qu'un hommage, la photographie de ce Phœbus moderne s'offre en figure tutélaire de la revue, Christ païen portant tout à la fois l'espoir et la tragédie du « troisième sexe » : « Mais ne faites point de ce suicide un crime à la littérature. Laurent s'est tué. Le revolver lui a été mis au poing par une époque où la maison Tellier est la seule ex­pression d'âme permise. Il y a des façons de syvetonner les âmes d'élite : c'est par les préjugés » (d'Adelswärd-Fersen, sous le pseudonyme de Sonyeuse, Akademos, n° 1). Dès son premier numéro, Akademos fut accueilli avec respect et admiration par le monde littéraire, comme en témoigne cet éloge de Charles-Henry Hirsch dans le Mercure de France : « Akademos [...] est une revue somptueuse, imprimée avec luxe et bon goût. Toutes les belles choses n'ont heureusement pas un destin court et il faut souhaiter la durée à ce nouveau re­cueil. ». Malgré la confiance et la volonté de Fersen, sa revue ne survivra qu'une an­née, non en raison d'une censure ou d'une campagne de dénigrement, mais du fait même des principaux intéressés par cette courageuse, mais trop précoce tentative de révolution des mœurs : « Les abonnements sont d'une rare­té dérisoire, et pour la raison simple que l'on considère dangereux de s'abonner... Au lieu de m'aider, toute une catégorie bien peu indulgente et nullement intellectuelle d'adonisiens me tourne le dos - est-ce par habitude ? dirait un plaisantin. [...] il reste la volonté de conti­nuer la tâche, et l'espoir de former un parti. » (Lettre à G. Eekhoud, 9 mai 1909) - Albert Messein, Paris 15 janvier 1909-15 décembre 1909, 22x25cm, 12 livraisons reliées en quatre volumes. [ENGLISH TRANSLATION FOLLOWS] ""Akademos will remain an ephemeral nonetheless high-quality creation, a groundbreaking gesture that will be an important milestone both in the history of the homosexual movement and the beginning of the 20th century"" Rare complete first edition one of the rare deluxe copies on papier japon with colored illustrations in four states of this luxurious literary and artistic journal. Founded by sybarite Jacques d'Adelswärd-Fersen, with twelve monthly issues published in the year 1909. Our copy includes the four states of each 23 engravings mixing different artistic movements: Arts & Crafts, Symbolism, Renaissance, Art Nouveau and Antique, after M. Armfield, H.S. Ciolkowski, L. Sarluis, B. Luini, G. A. Bazzi, G. Moreau, Raphaël, L. da Vinci, Pollaiolo, Il Correggio, P. de la Francesca, Rubens, J. de Ribera, F. Goya, M. Rodo, Cardet, as well as statues and stelae from Naples and Athens museums. Elegant cover design by George Auriol, master of Art Nouveau typography. Half beige cloth, brown morocco title-pieces, marbled paper boards, original spine and wrappers preserved for each issue, a fine uncut copy. Texts by L. Tailhade, É. Verhaeren, R. Vivien, Colette, J. Péladan, J. Moréas, H. Barbusse, A. Symons, J. d'Adelswärd-Fersen, J. Antoine-Orliac, P. Berrichon, J. Bois, J. Bouscatel, T. Derème, L. Deubel, A. du Fresnois, M. Gaucher, R. Ghil, H. Guilbeaux, J.-C. Holl, T. Klingsor, E. La Jeunesse, G. de Lautrec, A. Léger, Legrand-Chabrier, L. Mandin, F.T. Marinetti, F. de Miomandre, J.-A. Nau, M. de Noisay, J. Ochsé, E. Pilon, E. Raynaud, A. Salmon, V. de Saint-Point, R. Scheffer, T. de Visan... Handsome and extremely rare copy of the first French homosexual journal. It was not until 1869 that the term ""homosexual"" appeared, in epistolary exchanges between German journalists and lawyers Karl Heinrich Ulrichs and Karl-Maria Kertbeny. Their writings document the first attempts to describe physical attraction to the same sex, not condemning the act, rather in the hopes of gaining social acceptance for another form of sexuality. Although homosexual relations remain a constitutive element of human societies since the very beginning, they were viewed under the single perspective of carnal relations for a long time. Stigmatized, the ""inverted"" sexual act is in turn codified, tolerated or severely condemned throughout ages and cultures yet never interpreted under the angle of exclusive attraction. France was the first country to decriminalize homosexuality in removing the ""crime of sodomy"" from the Code pénal in 1791, but it was not until the second half of the 19th century that emerged an awareness of a true homosexual identity as described by Michel Foucault in his Histoire de la sexualité: ""The 19th homosexual became a personage, a past, a case history, and a childhood, in addition to being a type of life, a life form, and a morphology, [...]. Nothing that went into his total composition was unaffected by his sexuality. It was everywhere present in him [...] It was consubstantial with him, less as a habitual sin than as a singular nature. We must not forget that the psychological, psychiatric, medical category of homosexuality was constituted from the moment it was characterized [...] less by a type of sexual relations than by a certain quality of sexual sensibility, a certain way of inverting the masculine and the feminine in oneself. Homosexuality appeared as one of the forms of sexuality when it was transposed from the practice of sodomy onto a kind of interior androgyny, a hermaphrodism of the soul. The sodomite had been a temporary aberration; the homosexual was now a species"". Within this context, Balzac created characters fully embracing their ""other"" sexuality, notably Zambinella, Seraphita and especially Vautrin, considered as the first homosexual in French literature. In the meantime, Baudelaire who initially wanted to title his Flowers of Evil ""Lesbians"" was condemned for his poems ""Lesbos"" and ""Women Doomed"" celebrating lesbian love. By coming out of marginality and obtaining a form of recognition, members of the gay community found themselves confronted with critical looks and caricatured stigmatizations. Some writers such as Georges Eekhoud or Renée Vivien proclaimed their homosexuality in their literature. Others like Oscar Wilde lived it freely but only discreetly allowed their orientation to show in their literary work. Many continued to conceal their true inclinations to ensure their reputation and literary recognition. Among them, Proust and Montesquiou became the target of the fierce and murderous writing of Jean Lorrain, a self-proclaimed ""en-philanthrope"" [naughty pun]. Lorrain wrote a rather tasteless play on words to Montesquiou in a press article upon the death of his lover, Gabriel Yturri: ""Mort Yturi te Salut, tante"" (morituri te salutant 'those who are about to die salute you', using the slur 'tante' for homosexual). Similar - and true - insinuations about Lucien Daudet resulted in a famous duel between Lorrain and Proust. D'Adelswärd-Fersen, born in 1880, grew up amid this moral revolution and experienced terrible inner conflicts between personal desire and institutional morality, social representation, and intimate freedom. Although France represented a space of freedom much more than its neighbors, society's judgment remained deeply heteronormative. The famous paragraph 175 of the new 1871 German penal code condemning ""sexual acts against nature"" throughout the Empire, or Wilde's condemnation to forced labor in 1895 gradually raised the indignation of declared homosexuals and the silent concern of the others. The literary world was not spared. In 1900, G. Eekhoud was prosecuted for Escal-Vigor, first novel openly and positively addressing male homosexual love. In 1902 F.A. Krupp committed suicide following the scandal of alleged ""sexual orgies"" in Capri. The following year, d'Adelswärd-Fersen who had just come of age was accused of practicing ""black masses"" with young adolescents, rallying prominent members of the aristocracy. From medieval witch hunts to modern conspiracy theories, accusations of satanic rites remain a classical theme in the constructs of societies confronted with different expressions of ""otherness"". Fersen had in fact offered his judges a literary model for their accusation. It is indeed his 1902 novel L'Hymnaire d'Adonis à la façon de M. le marquis de Sade which first attracted the attention of the Prosecutor's Office. Fersen was only sentenced to six months in prison, on counts probably judged much more severely nowadays: he was condemned for the public and literary expression of his sexuality a lot more than for his odious erotic scenes of teenagers dressed in Antiquity-inspired clothing. Deeply affected by media outburst and violent rejection of homosexuality, Fersen published in 1905 a novel: Messes noires, Lord Lyllian, autobiographical ""roman à clefs"" featuring prominent late 19th-century homosexuals: Wilde, Lord Alfred Douglas, John Gray, Lorrain, Peladan, Essebac, Montesquiou, Krupp and Fersen himself. The intention of the 25-year-old poet was not only artistic, but also political. D'Adelswärd-Fersen thus became one of the precursors of the fight for recognition and acceptance of homosexuality in modern society. The Akademos project was born. Although ostensibly inspired by Adolf Brand's German magazine Der Eigene, Fersen was much more ambitious and wished with his magazine to bring about a change in mentalities. He was thereford interested in more politically active figures such as German scientist Magnus Hirschfeld, who created in 1897 the Wissenschaftlich Humanitäre Komitee, first organization defending the rights of homosexuals. At the end of 1907, Fersen wrote to Georges Eekhoud from the Villa Lysis in Capri: ""The very kind permission you have given me to write to Hirschfeld under your aegis will be put to good use. After my visits to Germany I only knew Brand and his Eigene. On the other hand, I was waiting, in order to correspond with the German leaders of the party, for the realization of a project of mine, which I would like to entrust to you: I wish, having moreover as a sufficient title only the pride of our ideas and an unspeakable ardor to know them less misunderstood, to found in Paris next February, a review of art, philosophy, literature, in which little by little, not to make a scandal in advance, one rehabilitates l'Autre Amour [the other Love]. I hope, dear Mr. Eekhoud, that you will honor us, one day, with your company and with this talent, universal today, placing you among the apostles of the 'movement'. In any case, I thank you for the sympathy so delicately expressed, for the hopes that we share, for the happiness described, that both of us have savored from the sidelines"". Although Der Eigene published from 1896 is the first European homosexual magazine and inspiration of Akademos, it did not pursue the same goals, and was designed on a different artistic and political model. Presented as a source of documentation on nudism and art history, the magazine of the activist Adolf Brand did not advocate for a social upheaval and rather focused on historically reinterpreting male/female relations. Promoting a ""new Hellenism"", it relied on ancient Greek pederasty to rally a community around a spirit of ""virilism"". Throughout articles and visuals it attempted to establish the aesthetic and erotic superiority of the male body in art history and moral constructs. ""Didier Eribon underlines how Brand's masculinist ideas are based on a universalistic conception of sexuality [...] but also on a misogynistic vision that is not very inclined to social change. The study of homosexual masculinism also refers to the construction of an image of the man thought as a tool of social domination towards the minorities of gender, class and race [...] the male domination is translated [...] by the exaltation of the moral and physical virtues of the man-machine. Paradoxically, the first homosexual journal adopts the codes of an emergent ideology."" In 1903, ""Brand left Hirschfeld's WhK organization and founded the Community of Specials ('Gemeinschaft der Eigenen', GdE). Inspired by the context of Lebensreform, he exalted adolescent virility and self-control in nature. He organized collective camps, walks and nudist sessions, similar to practices of the Wandervogel, leagues of teenagers that would feed the ranks of the Hitler Youth at the end of the 1920s."" (Damien Delille, ""Homoeroticism and visual culture in the magazines Der Eigene and Akademos"") Akademos proceeds from a completely different approach. Fersen's philosophy was less about exalting Antique virility than exploring a literary vision of homosexuality inherited from decadent Symbolism. The editorial line of the Revue is perfectly expressed in a new letter to Eekhoud: ""Villa Lysis, 4 août 1908. Cher Monsieur Eekhoud, Last December or January, I believe, we talked about a project for a magazine that friends and I wanted to create with the help of publisher Messein. It was a matter - without giving the publication a bias, a label, an appearance of confrontation- of attempting to bring attention to the question of passionate freedom - different sensual theories. In a few words, it was a matter of defending l'Autre Amour [The Other Love], through the memory of past times, through the hopes of present times. Akademos is now decided. A monthly magazine (which we hope to publish every two weeks), including a novel in each issue (to be continued in the fol

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Price: EUR 15000.00 = appr. US$ 16302.70 Seller: Librairie Le Feu Follet
- Book number: 82965

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