Author: VIVIEN Renée Title: Poème autographe à Kérimé ""Pour elle seule"" [Eminé]
Description: s.l. s.d. (1906), 17,7x21,9cm, 2 pages sur un feuillet. Poème autographe intitulé ""Pour elle seule"", dédié et offert à Kérimé. Deux pages rédigées à l'encre violette sur un feuillet de papier ligné et margé, au total 30 vers en alexandrins. Le poème a été publié sous le titre ""Eminé"" dans À l'Heure des Mains jointes (Alphonse Lemerre, 1906). Cette première version manuscrite comporte plusieurs variantes avec le texte imprimé. Certains vers ont même totalement été abandonnés : ""Et lui dirai : Voici que les temps sont venus / Visage détaché sur le fond d'une trame ; / Mais je dédaignerai les arbres aux troncs d'or / Et les fleurs de saphir pour un plus beau trésor."" Le couchant répandra la neige des opales, Et l'air sera chargé d'odeurs orientales Les caïques furtifs jetteront leur éclair De poissons argentins qui sillonnent la mer. Ce sera le hasard qu'on aime et qu'on redoute. A pas lents, mon destin marchera sur la route. Je le reconnaîtrai parmi les inconnus Et lui dirai : Voici que les temps sont venus. Et mon destin aura la forme d'une femme, Visage détaché sur le fond d'une trame ; Et mon destin aura de profonds cheveux bleus. Ce sera le fantasque et le miraculeux. Involontairement, comme lorsque l'on pleure Je me répéterai : toute femme a son heure. « Aucune ne sera pareille à celle-ci. « Nul être n'attendra ce que j'attends ici. » Celle qui brillera dans l'ombre solitaire M'emmènera dans le domaine du mystère. Près d'elle, j'entrerai, pâle comme Aladdin Dans un prestigieux et terrible jardin. Mon cher destin, avec des lenteurs attendries, Détachera pour moi des fruits de pierreries. Mais je dédaignerai les arbres aux troncs d'or Et les fleurs de saphir pour un plus beau trésor. Car je mépriserai le soleil et la lune Et les astres fleuris, pour cette femme brune. Ses yeux seront l'abîme où sombre l'univers Et ses cheveux seront la nuit où je me perds. A ses pieds nus, pleurant d'extases infinies, Je laisserai tomber la lampe des génies. Considérée comme une oeuvre littéraire à part entière, l'importante correspondance de Renée Vivien à Kérimé est parsemée de très rares poèmes qui subliment toute la passion amoureuse de la poétesse pour sa muse orientale. « Au printemps 1904, Vivien reçut une lettre inattendue. Une mystérieuse jeune femme turque, habitant Constantinople et qui signait Kérimé Turkhan-Pacha, lui parlait avec enthousiasme d'un livre d'elle qu'elle venait de lire. [...] Intriguée en même temps que flattée, Vivien répondit à l'inconnue [...] Cette lettre allait être suivie de plus d'une centaine d'autres et de dizaines de cartes postales à Kérimé Turkhan-Pacha. [...] Lorsque, pendant l'été 1905, Vivien fera en compagnie de Natalie Barney un pèlerinage à Lesbos, elle tiendra absolument à s'arrêter à Constantinople pour faire la connaissance de la romanesque (ainsi se l'imaginait-elle) Kérimé. Elle la reverra à plusieurs reprises, toujours à Constantinople, et leur correspondance se poursuivra jusqu'en 1908. Née en 1876, Kérimé Turkhan-Pacha appartenait à la haute société de Constantinople. Très cultivée, élevée à la française, elle brillait dans les salons de la capitale ottomane. Elle s'y distinguait par une réelle beauté [...]. Cette séduisante créature, que Vivien devait s'imaginer alanguie sur des coussins dans l'ombre d'un harem du Bosphore, avait épousé vers 1900 un Turc bien plus âgé qu'elle, Turkhan-Pacha. [...] Devenue veuve, Kérimé vécut à Paris, où elle aura l'occasion de fréquenter Natalie Barney, puis mourut à Athènes en 1948. Mondaine et fort belle, [...] Kérimé appartenait à l'élite turque [...] dont les femmes commençaient à changer de mentalité. Tout comme les Désenchantées de Loti [...] Kérimé supportait difficilement les anciens usages de son pays. « J'étais très jeune et j'étais cloîtrée et n'aspirais qu'à mordre à tous les fruits défendus », avouera-t-elle à Le Dantec. [...] Kérimé représentait pour Vivien le mirage de l'Orient, qui avait déjà fasciné tout le XIXe siècle : Chateaubriand, Delacroix, Nerval, Flaubert, Loti, Barrès... [Le] romantisme turc imprégnait alors la littérature française. Jean Lorrain avait publié en 1898 La Dame turque (autre femme de pacha...) et Loti allait, en 1906, publier son fameux roman Les Désenchantées. » (J.-P. Goujon, Tes blessures sont plus douces que leurs caresses) Cette superbe élégie à sa ""sultane du Bosphore"" reprend tous les éléments de cette mythologie esthétique dans une superbe réappropriation sapphique des langueurs et de la sensualité de l'Orient fantasmé. D'une insigne rareté, les manuscrits à ses amantes de cette icone du lesbianisme moderne sont absents de la plupart des collections publiques, à l'exception notable du fonds Jacques Doucet, qui possède neuf poèmes de Vivien à Natalie Clifford Barney. Seuls quatre poèmes manuscrits à Kérimé sont connus à ce jour. Provenance : Kérimé Turkhan-Pacha. - s.l. s.d. (1906), 17,7x21,9cm, 2 pages sur un feuillet. [ENGLISH TRANSLATION FOLLOWS] Handwritten poem to Kérimé « Pour elle seule » [« Eminé »] [1906] | 17,7 x 21,9 cm | 2 pages on one leaf Handwritten poem entitled « Pour elle seule », dedicated and offered to Kérimé. Two pages written in purple ink on a leaf of lined and margined paper, in total 30 alexandrine verses. The poem was published under the title « Eminé » in À l'heure des mains jointes (Alphonse Lemerre, 1906). This first manuscript version has several variations from the printed text. Some verses have even been totally abandoned: « Et lui dirai: Voici que les temps sont venus/Visage détaché sur le fond d'une trame; /Mais je dédaignerai les arbres aux troncs d'or/Et les fleurs de saphir pour un plus beau trésor. » Le couchant répandra la neige des opales, Et l'air sera chargé d'odeurs orientales Les caïques furtifs jetteront leur éclair De poissons argentins qui sillonnent la mer. Ce sera le hasard qu'on aime et qu'on redoute. A pas lents, mon destin marchera sur la route. Je le reconnaîtrai parmi les inconnus Et lui dirai: Voici que les temps sont venus. Et mon destin aura la forme d'une femme, Visage détaché sur le fond d'une trame; Et mon destin aura de profonds cheveux bleus. Ce sera le fantasque et le miraculeux. Involontairement, comme lorsque l'on pleure Je me répéterai: toute femme a son heure. « Aucune ne sera pareille à celle-ci. « Nul être n'attendra ce que j'attends ici. » Celle qui brillera dans l'ombre solitaire M'emmènera dans le domaine du mystère. Près d'elle, j'entrerai, pâle comme Aladdin Dans un prestigieux et terrible jardin. Mon cher destin, avec des lenteurs attendries, Détachera pour moi des fruits de pierreries. Mais je dédaignerai les arbres aux troncs d'or Et les fleurs de saphir pour un plus beau trésor. Car je mépriserai le soleil et la lune Et les astres fleuris, pour cette femme brune. Ses yeux seront l'abîme où sombre l'univers Et ses cheveux seront la nuit où je me perds. à ses pieds nus, pleurant d'extases infinies, Je laisserai tomber la lampe des génies. Provenance: Kérimé Turkhan-Pacha. The Sappho lover and her sofa muse Considered as a literary work in its own right, Renée Vivien's correspondence with Kérimé Turkhan-Pacha is sprinkled with very rare poems that enhance the poet's romantic passion for her oriental muse. In spring 1904, Vivien received an unexpected letter. A mysterious young Turkish woman, living in Constantinople and who signed Kérimé Turkhan-Pacha, enthusiastically told her about a book she had just read. [...] Intrigued and at the same time flattered, Vivien responded to the unknown woman [...] This letter was to be followed by more than a hundred others and dozens of postcards to Kérimé Turkhan-Pacha. [...] During the summer of 1905, when Vivien will make a pilgrimage to Lesbos with Natalie Barney, she will absolutely stop in Constantinople to get to know the fictional (as she imaged) Kérimé. She saw her again several times, always in Constantinople, and their correspondence continued until 1908. Born in 1876, Kérimé Turkhan-Pacha belonged to the Constantinople high society. Very cultured, raised French, she shone in the salons of the Ottoman capital. She was distinguished by her real beauty [...]. This seductive creature, whom Vivien had to imagine languishing on cushions in the shade of a Bosphorus harem, had married a Turk much older than her around 1900, Turkhan-Pacha. [...] Becoming a widow, Kérimé lived in Paris, where she had the opportunity to court Natalie Barney; she died in Athens in 1948. Worldly and very beautiful, [...] Kérimé belonged to the Turkish elite [..] whose women began to change their mentality. Just like Loti's Désenchantées [...] Kérimé found it troublesome to support the old customs of her country. «I was very young and I was cloistered away and aspired only to bite all the forbidden fruits», she told Le Dantec. [...] For Vivien, Kérimé represented the mirage of the East, which had already fascinated the entire 19th century: Chateaubriand, Delacroix, Nerval, Flaubert, Loti, Barrès... Turkish romanticism then permeated French literature. In 1898 Jean Lorrain had published La Dame turque (another pasha woman...) and in 1906 Loti would publish his famous novel Les Désenchantées."" (J.-P. Goujon, Tes blessures sont plus douces que leurs caresses) This superb elegy with its ""Bosphorus sultana"" takes up all the elements of this aesthetic mythology in a superb sapphic reappropriation of the languor and sensuality of the fantasized East. Exceptionally rare, the manuscripts to the lovers of this icon of modern lesbianism are missing from most public collections, with the notable exception of the Jacques Doucet collection, which includes nine poems from Vivien to Natalie Clifford Barney. Only these four manuscript poems to Kérimé are known to date.
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Price: EUR 6000.00 = appr. US$ 6521.08 Seller: Librairie Le Feu Follet
- Book number: 78722
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Littérature - Poésie