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Title: Comédies et actes divers
Description: Les éditions de minuit, Paris 1966, 11,5x18cm, broché. Edition originale sur papier courant. Précieux envoi autographe daté de Janvier 1966 et signé de Samuel Beckett à son ami le peintre Geer (Van Velde) et à sa femme Lise. Légères piqûres sans gravité sur le premier plat. « Que dire de ces plans qui glissent, ces contours qui vibrent, ces corps comme taillés dans la brume, ces équilibres qu'un rien doit rompre, qui se rompent, et se reforment à mesure qu'on regarde ? Comment parler de ces couleurs qui respirent, qui halètent ? de cette stase grouillante ? de ce monde sans poids, sans force, sans ombre ? Ici tout bouge, nage, fuit, revient, se défait, se refait. Tout cesse, sans cesse. On dirait l'insurrection des molécules, l'intérieur d'une pierre un millième de seconde avant qu'elle ne se désagrège. C'est ça la littérature. » (La Peinture des van Velde ou Le monde et le pantalon, in Cahiers d'Art n°11-12, Paris 1945) Beckett ne parle pas ici, malgré les apparences, de son œuvre littéraire mais de la peinture de Geer Van Velde, ajoutant quelques lignes plus loin : « [Bram] Van Velde peint l'étendue. G[eer] Van Velde peint la succession. » Cet éloge, publié à l'occasion de la double exposition des Van Velde, Geer chez Maeght et Bram à la galerie Mai, est le premier texte d'importance sur ces peintres alors à peu près inconnus du public : « On ne fait que commencer à déconner sur les frères Van Velde. J'ouvre la série. C'est un honneur. » Il est aussi le premier texte critique écrit directement en français par un jeune écrivain irlandais qui n'a encore jamais publié en France. Ainsi, le premier et plus important écrit sur l'art de Beckett, composé à l'aube de sa carrière littéraire, instaure, dès l'origine, une relation fondamentale entre son œuvre en gestation et la peinture de ses amis : « Aussi a-t-on souvent lu ce texte en creux, ou en miroir, comme une des rares désignations de la poétique (à venir) de Beckett par lui-même, une sorte de programme anamorphique d'écriture » (Un pantalon cousu de fil blanc : Beckett et l'épreuve critique par Pierre Vilar) Véritable déclaration d'intention du dramaturge, ce texte fondamental - dont Beckett confesse dès l'introduction la valeur introspective : « avec les mots on ne fait que se raconter » - inaugure la période créatrice la plus fructueuse de l'écrivain. En effet, à l'instar d'Apollinaire et de Cendrars, Beckett puise dans les problématiques artistiques de ses contemporains le ferment de son écriture à venir par « la mise en cause la plus profonde des présupposés narratifs, figuratifs ou poétiques. » (Pascale Casanova in Beckett l'abstracteur) L'influence majeure de la peinture moderne sur la structure - ou déstructuration - narrative du théâtre et des romans de Beckett sera révélée et analysée par de nombreux penseurs, dont Gilles Deleuze, Julia Kristeva ou Maurice Blanchot. C'est justement à partir de la peinture des Van Velde, de Geer, puis de Bram, que Beckett formalise cette volonté de traduire la question picturale en dramaturgie. Ainsi refuse-t-il les décors de Nicolas de Staël pour En attendant Godot car : « Il faut que le décor sorte du texte, sans y ajouter. Quant à la commodité visuelle du spectateur, je la mets là où tu penses. Crois-tu vraiment qu'on puisse écouter devant un décor de Bram, ou voir autre chose que lui ? » (Lettre à Georges Duthuit, 1952). Lorsqu'il rencontre Geer en 1937, « Beckett traverse une crise existentielle majeure, il vient de remodeler son premier roman Murphy, refusé par un grand nombre d'éditeurs, il sombre dans l'alcoolisme, quitte l'Irlande et s'installe définitivement à Paris » (Le Pictural dans l'œuvre de Beckett, Lassaad Jamoussi). Il revient d'un long voyage artistique en Allemagne où il s'est imprégné d'œuvres classiques et d'art contemporain - c'est lors de ce voyage qu'il découvre les Deux hommes contemplant la lune de Caspar David Friedrich, à l'origine de En attendant Godot. L'art est alors au cœur de sa réflexion créatrice et l'amitié qui va le lier à Geer puis plus tard à Bram et à leur sœur Jacoba (avec laquelle il entretint peut-être une relation plus qu'amicale) va profondément influencer sa vie et son écriture. Son premier écrit sur l'art est une courte notice sur Geer Van Velde dont il impose les œuvres à sa nouvelle amante Peggy Guggenheim à l'occasion de la création de sa galerie londonienne. Malgré l'échec relatif de l'exposition (qui suit celle de Kandinsky), il obtient de Peggy une bourse d'un an pour son ami. James Knowlson avance même que « si Beckett a longtemps gardé des liens étroits avec Peggy, c'est d'abord et avant tout parce qu'elle était susceptible de donner un sérieux coup de pouce à ses amis artistes, à commencer par Geer Van Velde. » (in Beckett p. 474) Enigmatique, la petite note que Beckett rédige alors à la demande de Peggy contient déjà en germe la pensée du dramaturge : « Believes painting should mind it on business, i.e. colours. i.e no more say Picasso than Fabritius, Vermeer. Or inversely. » (« Pense que la peinture devrait se mêler de ses propres affaires, c'est-à-dire la couleur, c'est-à-dire pas plus de Picasso que de Fabritus ou Vermeer. Et inversement. ») Plus lents à croître, son amitié pour Bram et son intérêt pour sa peinture modifient peu à peu le regard de Beckett sur la peinture de Geer et lorsque, dix ans après sa première rencontre avec les frères, il écrit Le Monde et le Pantalon, Beckett met à jour une dualité symbolisée par ce titre tiré d'une anecdote placée en exergue de l'article. Le monde, c'est l'œuvre « imparfaite » de Dieu créé en six jours à laquelle le tailleur oppose la perfection de son pantalon achevé en six mois. La relation entre cette anecdote et les frères Van Velde est peut-être à chercher dans le second essai que Beckett leur consacre en 1948, Peintres de l'empêchement (Derrière le miroir n° 11/12) : « L'un d'eux dira : Je ne peux voir l'objet, pour le représenter, parce qu'il est ce qu'il est. L'autre : je ne peux voir l'objet, pour le représenter, parce que je suis ce que je suis. Il y a toujours ces deux sortes d'empêchement, l'empêchement-objet et l'empêchement-œil. [...] Geer Van Velde est un artiste de la première sorte [...], Bram Van Velde de la seconde. ». Résistance de l'objet ou impuissance de l'artiste, cette fable, « véritable noyau narratif premier en forme de kôan zen » (P. Vilar), se retrouvera ensuite dispersée dans l'ensemble de l'œuvre de Beckett et occupera plus particulièrement une place centrale dans Fin de Partie, dont Roger Blin, note par ailleurs la similitude avec l'œuvre de Geer : « Il était ami à cette époque des frères Geer et Bram van Velde, hollandais et peintres tous deux. Geer était un peintre dans la lignée de Mondrian. J'ai le sentiment que Beckett voyait Fin de partie comme un tableau de Mondrian, avec des cloisons très nettes, des séparations géométriques, de la géométrie musicale. » (R. Blin, Conversations avec Lynda Peskine in Revue d'Esthétique). L'affinité grandissante de Beckett avec l'œuvre de Bram Van Velde et l'énergie qu'il dépense pour défendre son travail, notamment auprès de la galerie Maeght ou de son ami, l'historien d'art Georges Duthuit, se feront sans doute aux dépens de ses relations avec Geer. Cependant, malgré quelques malentendus, leur amitié ne sera jamais rompue, ni le dialogue silencieux mais agité que l'écrivain entretient avec l'œuvre du petit frère van Velde dont il possédait deux grandes toiles : « Le grand tableau de Geer me fait enfin des signes. Dommage qu'il ait si mal tourné. Mais ce n'est peut-être pas vrai. » (lettre à Georges Duthuit, mars 1950) « Geer dégage un grand courage. Des idées un peu tranchantes, mais peut-être seulement en apparence. Je l'ai toujours beaucoup estimé. Mais pas assez je crois. » (lettre à Mania Péron, août 1951) La mort de Geer Van Velde en 1977 affecte profondément Beckett et coïncide avec une période d'intense nostalgie durant laquelle l'écrivain décide de se livrer à un « grand ménage » dans sa demeure pour vivre entre des « murs gris comme le propriétaire ». Confiant ses états d'âme à son amie, la décoratrice de théâtre Jocelyn Herbert, Beckett témoigne de l'indéfectible affection qu'il porte au peintre depuis quarante ans : « plus de toiles sous les yeux, y compris celle du grand Geer Van Velde derrière le piano ». Précieux témoignage de l'amitié de ces compagnons de route qui, depuis le premier roman de Beckett pour lequel ils vérifiaient ensemble la vraisemblance de la partie d'échecs opposant Murphy à M. Endon, ont affronté ensemble les grands enjeux de la modernité : « C'est qu'au fond, la peinture ne les intéresse pas. Ce qui les intéresse, c'est la condition humaine. Nous reviendrons là-dessus. » (Beckett à propos des frères Van Velde, in Le Monde et le Pantalon) - Les éditions de minuit, Paris 1966, 11,5x18cm, broché. [ENGLISH TRANSLATION FOLLOWS] First edition on ordinary paper. Precious copy inscribed by Beckett to his friend the painter Geer (Van Velde) and his wife Lise. Small holes on the first cover. ""What to say of the sliding planes, the shimmering contours, the cut-out figures in the fog, the balance that any little thing can break, breaking and re-forming themselves under our very eyes? How to talk about the colors that breathe and pant? Of the swarming stasis? Of this world without weight, without force, without shadow? Here everything moves, swims, fells, comes back, falls apart, re-forms. Everything stops, non-stop. One would say it's the revolt of the internal molecules of a stone a split second before its disintegration. That is literature"" (The van Veldes' Art, or the World and the Trousers, in Cahiers d'Art n°11-12, Paris 1945). Beckett here is not talking - despite how it may appear - about his literary oeuvre, but about the paintings of Geer Van Velde, going on to add a few lines later ""[Bram] Van Velde paints distance. G[eer] Van Velde paints succession."" This elegy, published on the occasion of the double exhibition of the Van Veldes (Geer at Maeght's and Bram at the Galerie Mai) is the first important text on these painters, more or less unknown to the public at the time: ""We've only just started spouting nonsense about the Van Velde brothers, and I'm the first. It's an honor."" This is also the first critical text written directly in French by a young Irish writer who had not, as yet, published anything in France. Thus, the first and most important of Beckett's writings on art, composed at the dawn of his literary career, establishes - right from the start - a fundamental relationship between his developing work and his friends' art: ""Thus this text has often been read in a hollow or in the mirror, as one of the rare designations of Beckett's poetry (to come) by the man himself, a sort of anamorphic program of writing,"" (Un pantalon cousu de fil blanc : Beckett et l'épreuve critique by Pierre Vilar). A real statement of dramaturgical intent, this fundamental text whose introspective value Beckett lays out from the introduction on (""one does nothing but tell stories with words"") ushers in the writer's most fruitful creative period. In essence, like Apollinaire and Cendrars, Beckett draws from the artistic problems of his contemporaries the catalyst of his own future writing through ""the deepest questioning of narrative, figurative or poetical presuppositions"" (Pascale Casanova in Beckett l'abstracteur). The major influence of modern painting on the narrative structure - or destructuring - of Beckett's drama and novels would be pointed out and examined by a number of thinkers, among them Gilles Deleuze, Julia Kristeva and Maurice Blanchot. It was, in fact, with the art of the Van Veldes (first Geer then Bram) that Beckett began to formalize this desire to translate the pictorial question into dramaturgical terms. Thus it was that he rejected Nicolas de Staël's set design for Godot, since: ""the set must come out of the text without adding anything to it. As for the visual comfort of the audience, you can imagine how much I care. Do you really think you can listen with the backdrop of Bram's set, or see anything other than him?"" (Letter to Georges Duthuit, 1952). When he met Geer in 1937, ""Beckett was going through a major existential crisis and had just been reworking his first novel, Murphy, which had been rejected by a great many publishers. He was lost in alcohol, leaving Ireland and moving once and for all to Paris"" (Le Pictural dans l'œuvre de Beckett, Lassaad Jamoussi). He returned from a long artistic journey in Germany, where he was marked by classical works as well as contemporary art - it was during this journey that he discovered Caspar David Friedrich's Two Men Contemplating the Moon, his source for Waiting for Godot. Art was thus at the heart of his creative thinking and the friendship that would tie him to Geer and later his brother Bram and their sister Jacoba (with whom his relationship may have been more than merely friendly), and which would profoundly influence his life and writing. His first writing on art is a short piece on Geer Van Velde, whose works he pressed on his new lover Peggy Guggenheim when she set up her new London gallery. Despite the relative failure of the exhibition (which followed Kandinsky's), he got his friend a one-year scholarship from Peggy. James Knowlson even thinks that ""if Beckett maintained close links with Peggy for a long time, it was first and foremost because she could be convinced to give his artist friends a serious helping hand, starting with Geer Van Velde"" (in Beckett, p. 474). Enigmatic, the little piece that Beckett wrote at the time at Peggy's request already contained a dramaturgical kernel of thought: "" Believes painting should mind its own business, i.e. colors. i.e no more say Picasso than Fabritius, Vermeer. Or inversely."" Slower to develop, his friendship with Bram and interest in the latter's painting slowly changed Beckett's outlook on Geer's art and when, ten years after his first meeting the brothers, he wrote The World and the Trousers, Beckett brought up to date a duality symbolized by the title, taken from an anecdote given as a legend to the article. The world is the ""imperfect"" work of God, made in six days, to which the tailor compares the perfection of his trousers, made over six months. The link between this anecdote and the Van Velde brothers is perhaps to be found in the second essay Beckett devoted to them, in 1948, Peintres de l'empêchement [Painters of the Problem] (Derrière le miroir n° 11/12) : ""One of them said: I cannot see the object in order to represent it because I am who I am. There are always two sorts of problems - the object-problem and the 'eye-problem...Geer Van Velde is an artist of the former sort...Bram Van Velde of the latter."" Resistance of the object or impotence of the artist, this tale, the ""true primary narrative core in kôan zen form,"" (P. Vilar) would later find itself scattered throughout Beckett's work and would more specifically take centre stage in Endgame, whose similarity, by the by, with the art of Geer Van Velde was noted by Roger Blin. ""At the time, he was friends with the Dutch brothers Geer and Bram Van Velde, both painters. Geer was a painter in the style of Mondrian. I have the feeling that Beckett saw Endgame as a painting by Mondrian with very tidy partitions, geometric separations and musical geometry,"" (R. Blin, Conversations avec Lynda Peskine in Revue d'Esthétique). Beckett's growing affinity for Bram Van Velde's work and the energy he put into promoting his work, especially to the galerie Maeght or his friend the art historian Georges Duthuit, was no doubt to the detriment of his relationship with Geer. Nonetheless, despite some misunderstandings, their friendship remained unbroken; as did the silent but anxious dialogue that the writer maintained with the art of the younger Van Velde brother, two of whose large canvases he owned. ""The big painting by Geer finally gave me a sign. Shame that it should have turned out so badly. But perhaps that's not true after all"" (letter to Georges Duthuit, March 1950). ""Geer shows great courage. Ideas that are a little cutting, but maybe only in appearance. I have always had a great respect for them. But not enough, I think"" (letter to Mania Péron, August 1951) The death of Geer Van Velde in 1977 affected Beckett deeply and coincided with a period of intense nostalgia during which the writer decided to give himself over to ""a great clear-out"" of his house so as to live between ""walls as grey as their owner."" Confiding his state of mind to his friend, the stage designer Jocelyn Herbert, Beckett bore witness to the indefatigable affection he had nurtured for the painter over forty years: ""more canvases on display, including the big Geer Van Velde behind the piano."" A precious witness to the friendship of these fellow travelers who had, ever since checking the veracity of the game of chess played by Murphy and Mr. Endon for Beckett's first novel, tackled together the great challenges of modernity: ""It's that, deep down, they don't care about painting. What they're interested in is the human condition. We'll come back to that"" (Beckett on the Van Velder brothers in The World and the Trousers). Spine lightly sunned as usual for Molloy and L'Innomable, a tiny tear (not serious) to foot of spine of the latter.

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Price: EUR 1200.00 = appr. US$ 1304.22 Seller: Librairie Le Feu Follet
- Book number: 51870

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