PROUDHON Pierre-Joseph-Marie
Lettre autographe signée de 4 pages rédigée depuis la prison de Sainte-Pélagie
Paris, Prison de Sainte-Pélagie 12 Novembre 1851, 13x20,5cm, une feuille. | «?Je n'apparais encore à beaucoup de gens que comme la négation pure et simple de ce qui est?» |
* Lettre autographe signée de 4 pages datée du 12 novembre 1851. 124 lignes à l'encre noire. Le manuscrit est présenté sous une chemise en demi maroquin vert sapin, plats de papier vert marbré portant une pièce de maroquin avec la mention ""Lettre autographe"" incrustée sur le premier plat, contreplats doublés d'agneau vert, étui bordé du même maroquin, ensemble signé Goy & Vilaine. Lettre autographe inédite sur le progrès, signée de Pierre-Joseph-Marie Proudhon, figure incontournable de la pensée sociale française, et «?père de l'anarchie?» selon le président de la République française Armand Fallières. Le philosophe emprisonné depuis 1849 développe dans un style virulent et combatif ses convictions socialistes et condamne les absolutismes de son temps. Extraordinaire profession de foi philosophique, politique et sociale d'un penseur à la marge, dont la fortune critique et l'influence se retrouvent de Karl Marx à Émile Durkheim en passant par Benjamin Tucker. La missive est rédigée d'une écriture rapide et dense, comportant de nombreux passages soulignés appuyant certains concepts philosophiques. Le premier feuillet présente un en-tête du journal Le Peuple de 1850, un des quatre journaux dirigés par Proudhon sous la seconde République, qui lui valurent d'être emprisonné pour «?incitation à la haine du gouvernement?» «?provocation à la guerre civile?» et «?attaque à la Constitution et à la propriété?». Cette lettre inédite, datée du 12 novembre 1851, constitue une réflexion passionnée et inédite, proche d'une lettre intitulée «?De l'Idée de Progrès?», écrite une dizaine de jours plus tard, que Proudhon publie avec une autre («?De la Certitude et de son criterium?») dans l'ouvrage Philosophie du progrès. Cet ensemble de textes fut composé seulement deux semaines avant la prise de pouvoir définitive de Louis-Napoléon Bonaparte, à laquelle il s'opposa immédiatement. Une fois sorti de prison en 1852, Proudhon publia les deux lettres chez Lebègue à Bruxelles afin d'échapper à la censure, qui avait interdit la vente de l'opuscule sur le territoire français. Déjà détenu depuis deux ans dans les geôles du futur empereur des Français, Proudhon écrit depuis la prison de Sainte-Pélagie à Romain Cornut, journaliste de La Presse, qui venait de terminer une série d'articles sur le positivisme d'Auguste Comte (Etudes critiques sur le socialisme, octobre-novembre 1851). Il faut voir cette lettre comme un admirable plaidoyer de quatre pages, ou plutôt une confession de sa vision socialiste du progrès, un «?positivisme social?» qui se fonde sur la remise en cause de l'ordre ancien?: «?on recule devant une négation intellectuelle, qui est la condition sine qua non du progrès ultérieur?». Proudhon tente dans cette lettre de convaincre son destinataire du bien-fondé de ses convictions, et n'hésite pas à user de flatteries qui contrastent étrangement avec sa verve habituelle («?Ce n'est pas croyez-le bien, [..] que je désire le moins du monde influencer votre opinion, quelque désir que j'aie de faire la conquête d'un esprit aussi judicieux que le vôtre?»). Il établit au fil de la lettre un équilibre entre son âme de polémiste et son désir de légitimité, aspirant à être reconnu par ses pairs non plus comme un simple agitateur mais comme un véritable penseur. On se souvient en effet de ses célèbres traits d'esprit («?la propriété c'est du vol?!?»), ses sympathies pour les soulèvements de 1848 ainsi que ses pamphlets au vitriol dans Le Peuple qui avaient consacré sa réputation de radical?: «?J'ai été, jusqu'à ce jour, si sottement jugé, même par les socialistes [...] Parce que j'ai conduit la critique des vieux principes aussi loin qu'elle pouvait aller [...] je n'apparais encore à beaucoup de gens comme la négation pure et simple de tout ce qui est?». Proudhon affirme cependant son intention de quitter les remparts de la critique («?laissant pour le moment la polémique de circonstance, dans mes nouvelles études?») et annonce ainsi à demi-mots l'écriture d'une œuvre plus approfondie, qui aboutira en 1853 à La Philosophie du progrès dédiée au même Romain Cornut. Anarchiste partisan de la suppression de l'État et de son double, le gouvernement, Proudhon ne renonce cependant pas à la critique du «?système?», qui est par définition antiprogressiste «?or, il est incontestable, à ce point de vue du progrès, que notre société tout entière, monarchistes, démocrates, catholiques, philosophes est encore absolutiste?: ce que chacun veut, c'est une charte, une constitution, un système, une législation fixe et définitive, enfin.?». Outre les systèmes politiques, Proudhon retrouve ce même idéalisme dans la pensée philosophique de ses aînés et ne se prive pas d'en faire une violente condamnation?: «?Comme Pascal, comme les allemands, nous voulons l'absolu?! [...] Spinoza, Malebranche, Leibnitz, etc., qui tous, opérant sur les catégories de substance, causalité, éternité, unité, pluralité, etc. sont arrivés à des systèmes d'immobilisme politique et intellectuel, à l'absolu?». Il constate les effets néfastes des régimes politiques et des philosophies insensibles aux vicissitudes de l'Histoire, ébranlées malgré tout par les changements que la révolution de 1848 avait laissés entrevoir. En prenant en considération l'instabilité inhérente aux sociétés humaines, il propose sa propre définition d'un progrès anarchiste et «?non-interventionniste?»?: «?Le système social, n'existe que dans la série des âges?: c'est un ensemble historique, non d'actualité. C'est pour cela qu'il n'est jamais donné à une génération, à plus forte raison à un homme, de concevoir de prévoir que le faible partie des progrès à effectuer dans l'âge suivant?: tout ce que nous pouvons faire, c'est de proposer un but idéal, c.à.d. d'affirmer en général la direction du mouvement, et de constater quelques lois, jamais d'affirmer rien de complet, de définitif, d'absolu.?» Proudhon se place en prophète, à la fois annonciateur et dénonciateur de l'aveuglement des savants français encore engoncés dans leurs idées d'absolu?: «?Il n'y a pas un homme, dans toute l'université, qui s'aperçoive de cette révolution qui est à la veille de s'opérer dans la philosophie par l'introduction si récente de l'idée de progrès dans la métaphysique?». Cet essai philosophique épistolaire ne laisse pourtant pas oublier la condition de Proudhon, détenu politique pour lequel le verbe est seule preuve de bonne foi ; il tente d'obtenir une entrevue avec Romain Cornut afin de clarifier ses propos de vive voix?: «?Je serai heureux, monsieur, en causant avec vous de toutes ces choses, de vous expliquer ce que je veux, ce que je suis?». La presse écrite, que Proudhon espère atteindre par le biais de son destinataire, fait office de tribunal des idées dont l'opinion publique est le juge?: «?c'est là le fort ou le faible, comme vous voudrez, de mon socialisme ; c'est sur cela que je devrais être condamné ou absous?». Lettre inédite d'un des plus éminents philosophes français du XIXè siècle au journaliste Romain Cornut, à qui il dédiera sa Philosophie du progrès (1853). Proudhon figura quelques semaines plus tard parmi les rangs des opposants exilés de l'Empire de Napoléon III, aux côtés de Victor Hugo et Louis Blanc. - Paris, Prison de Sainte-Pélagie 12 Novembre 1851, 13x20,5cm, une feuille. [ENGLISH TRANSLATION FOLLOWS] Signed handwritten 4-page letter written from the Sainte-Pélagie prison Paris | Prison of Sainte-Pélagie 12 November 1851 | 13 x 20.5 cm | single sheet «I still appear to many people as only the pure and simple negation of what is.» Handwritten signed 4-page letter dated 12 November 1851. 124 lines in black ink. his letter is presented in a chemise and case with paper boards decorated with abstract motifs, the spine of the chemise in green morocco, pastedowns and endpapers of green suede, slipcase signed by Thomas Boichot. Unpublished handwritten letter on progress, signed by Pierre-Joseph-Marie Proudhon, major figure in French social thought, and «the father of anarchy» according to the president of the French Republic, Armand Fallières. he philosopher, imprisoned since 1849, develops his socialist convictions in a virulent and combative style and he condemns the absolutisms of his time. Extraordinary declaration of philosophical, political and social faith from a marginal thinker, whose critical fortune and influence are taken from the likes of Karl Marx, Emile Durkheim and Benjamin Tucker. he letter is written in a fast and dense handwriting, comprising several underlined passages supporting certain philosophical concepts. The first page presents a heading from the newspaper Le Peuple in 1850, one of the four newspapers run by Proudhon under the second Republic, which resulted in him being imprisoned for «inciting hatred of the government,» «provoking the civil war» and «attacking the Constitution and property.» his unpublished letter, dated 12 November 1851, is a passionate and unpublished reflection, close to a letter entitled «De l'Idée de Progrès,» written around ten days later, that Proudhon published with another (""De la Certitude et de son criterium"") in the work Philosophie du progrès. This set of texts was composed only two weeks before the final assumption of power from Louis-Napoléon Bonaparte, which he immediately opposed. Once released from prison in 1852, Proudhon published the two letters at Lebègue in Brussels in order to escape censorship, which had prohibited the sale of the booklet on French territory. Already having been detained for two years in the jails of the future French emperor, Proudhon writes to Romain-Cornut from Sainte-Pélagie prison, a journalist from La Presse, who had just finished a series of articles on Auguste Comte's positivism (Etudes critiques sur le socialisme, October-November 1851). This letter must be viewed as an admirable four-page plea, or more a confession of his socialist vision of progress, a «social positivism» which is based on the reconsideration of the ancient order: «we withdraw in the face of an intellectual negation, which is the sine qua non condition of further progress.» In this letter, Proudhon attempts to convince his reader of the merits of his convictions, and does not hesitate to employ flattery that contrasts strangely with his usual verve ( «Do not take my word for it, [...] that I have the least desire to influence your opinion, whatever desire I have to conquer a mind as judicious as yours""). During the course of the letter he establishes a balance between his polemical soul and his desire for legitimacy, aspiring to be recognised by his peers no longer as a mere agitator, but as a true philosopher. We are indeed reminded of his famous wit ( «Property is theft!""), his sympathy for the 1848 uprisings as well as his acerbic pamphlets in Le Peuple that consecrated his radical reputation: «I have been, until this day, so foolishly judged, even by the socialists [...] Because I led the criticism of the old principles as far as it could go [...] I still appear to many people as only the pure and simple negation of what is.» Proudhon, however maintains his intention to leave the shields of criticism (""leaving the argument of circumstance for the moment in my new studies"") and thus implies the writing of a new, deeper work, which will, in 1853, result in La Philosophie du progrès dedicated to the same Romain-Cornut. Proudhon, an anarchist in favour of the abolition of the State and of its double, the government, does not however renounce the criticism of the «system,» which is by definition anti-progressive «Yet, it is unquestionable, from this progressive point of view, that our society as a whole, monarchists, democrats, Catholics, philosophers, is still absolutist: what everyone wants, is a charter, a constitution, a system, a fixed and definitive legislation, finally.» In addition to political systems, Proudhon picks up this same idealism in the philosophical thinking of his elders and does not refrain from giving a violent condemnation: «Like Pascal, like the Germans, we want the absolute! [...] Spinoza, Malebranche, Leibnitz, etc., all of whom, operating on the categories of substance causality, eternity, unity, plurality, etc. have arrived at politically and intellectually immobile systems, at the absolute.» He noted the harmful effects of the political regimes and of the philosophies that were insensitive to the vicissitudes of history, shaken in spite of everything by the changes that the 1848 revolution had signalled. By taking into consideration the instability inherent in human society, he offers his own definition of an anarchist and «non-interventionalist» progress: «The social system only exists in the series of ages: it is an historic ensemble, not a current one. This is why it is never given to a generation, let alone to a man, to perceive to predict the small portion of progress to be carried out in the following age: all that we can do, is propose an ideal aim, that is to say, to assert in general the direction of movement, and to note some laws, never to assert anything complete, definitive, absolute.» Proudhon places himself as a prophet, at the same time as announcer and denouncer of the blindness of French scholars still caught up in their ideas of the absolute: «There is no man, in the entire universe, who perceives this revolution, which is on the brink of happening in philosophy by the recent introduction of the idea of progress in metaphysics.» his epistolary philosophical essay does not overlook Proudhon's condition, a political prisoner for whom the verb is the only proof of good faith; he is trying to obtain an interview with Romain-Cornut in order to clarify his words orally: «I will be happy, Sir, talking with you about all of these things, to explain to you what I want, what I am.» The print media, that Proudhon hopes to reach through his reader, serves as a court of ideas, in which the public is the judge: «this is the strong and the weak, as you like, of my socialism; it is on this that I should be condemned or absolved.» Unpublished letter by one of the most important French philosophers of the 19th century to the journalist Romain-Cornut, to whom he will dedicate his Philosophie du progrès (1853). Proudhon featured some weeks later among the ranks of opponents exiled from the Empire of Napoleon III, alongside Victor Hugo and Louis Blanc.

Librairie Le Feu Follet
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